Carmilla était née d'une concubine de l'Empereur d'Adrestia, faisant d'elle la demi-sœur de l'actuelle Impératrice. Contrairement à ce que beaucoup pensaient, sa mère n'était pas une femme vénale. Elle n'avait jamais cherché à augmenter son propre statut par ses relations avec l'Empereur. Au contraire, elle était sincèrement amoureuse de lui. Le fait que sa fille put, initialement, bénéficier de l'éducation d'une noble n'était qu'une joyeuse conséquence. Ainsi, l'absence d'emblème de Camilla ne fut jamais un problème pour sa mère qui semblait l'aimer profondément. Cette dernière la poussa tout de même à tenter de profiter autant qu'elle le pouvait des opportunités que son éducation lui procurait, après tout pourquoi s'en priver ?

Lorsqu'elle était encore enfant, ses relations avec ses frères et sœurs étaient plutôt bonnes. Elle les voyait comme des camarades de jeu et aussi des enfants plus jeunes, pour la plupart, à qui elle souhaitait enseigner ce qu'elle savait lorsqu'elle se croyait plus mature qu'elle ne l'était réellement. Nina était l'un des seuls qu'elle voyait différemment, comme objet d'admiration plutôt que comme autre enfant à qui elle pouvait enseigner des choses. Son âge était sûrement un facteur important, mais il lui apparaissait comme possesseur d'une force impressionnante à cette époque.

Elle n'avait jamais été très proche de son père, il était après tout un homme occupé. Il ne s'était jusqu'alors jamais montré en tant que figure paternelle négative, simplement absent. Après tout, elle n'avait jamais été envisagée comme une potentielle héritière au trône et donc n'avait jamais reçu d'attention politique particulière. Elle ne lui en voulait pas, n'étant pas encore habitée par l'amertume qu'elle pouvait connaître plus tard.

En effet, vers ses 12 ans, des changements radicaux se firent sentir violemment dans le monde politique impérial. Son père perdit une bonne partie du pouvoir qu'il avait sur l'Empire. La tragédie des expérimentations sur les enfants de la famille Hresvelg intervint alors à ce moment. Ce fut la première et dernière déception familiale que Carmilla connut. Sa mère, prise d'un amour absolu pour son père, ne contesta jamais ces expérimentations afin de ne pas rendre la position de l'Empereur plus compliqué. Ses deux parents l'avaient abandonné à ce groupe occulte. Que ce soit par volonté ou par faiblesse, ils n'avaient aucune excuse. Carmilla se rendit alors compte de l'importance du pouvoir dans ce monde, et des différents usages qui pouvaient en être fait. Son père n'était pas assez fort, sa mère encore moins, ses frères et sœurs ne l'étaient pas... même Nina. Elle-même était trop faible. Elle se promit alors que cela serait la dernière fois qu'elle serait trop faible pour empêcher les exactions contre des innocents. Ces expériences horribles lui avaient accordé du pouvoir. Ce pouvoir était peut-être souillé par son origine, mais l'emblème qu'elle avait reçu de cette douleur était désormais le sien. Ne pas en faire usage n'aurait été qu'un pêché de plus dans ce monde.

Elle s'entraîna alors dès qu'elle en avait l'occasion, musclant son corps, affûtant ses réflexes et sa mémoire musculaire. Bien que l'adolescente gardait une certaine affection pour les membres de sa famille, elle les repoussait constamment. Revoir son frère et ses sœurs ne faisait que raviver les souvenirs des horreurs qu'ils avaient subies, de son impuissance pour se libérer et les aider. Elle rejoignit l'armée impériale aussitôt qu'elle le put, afin de se familiariser avec le monde militaire. Cela ne lui causait pas particulièrement de conflit moral puisque l'Empire n'était pas en conflit politique et qu'elle ne dut jamais s'attaquer à des innocents.

Toutefois, alors qu'elle servait l'armée, un nouveau changement politique survint : un réel coup d'état cette fois. Un qui ne s'en cachait même pas. L'instigatrice ne fut d'autre que sa propre demi-sœur, Edelgard. Edelgard étant l'héritière légitime, elle n'avait nul besoin de ça pour accéder au trône. Carmilla comprit évidemment que sa jeune sœur avait des plans plus ambitieux que la simple prise de pouvoir. La nouvelle Impératrice ne cacha pas ses objectifs et un désaccord naquit rapidement entre les deux. Carmilla fut placée à la garde impériale. Un poste faisant bon usage de ses talents sans lui donner de pouvoirs assez importants pour exprimer concrètement son opposition à la guerre menée par l'Empire.

Le fossé entre la jeune femme et le reste de sa famille ne fit alors que croître, bien qu'ils restèrent proches d'une certaine manière. Peut-être du fait de la tragédie qui les unissait malgré eux ? Elle ne cacha pas son désaccord avec Edelgard et faisait de son mieux pour freiner la guerre. Le pacte de non-agression n'était qu'une satisfaction momentanée de son souhait de paix. Des monstres avaient commis des exactions contre les enfants innocents qu'ils étaient. Et aujourd'hui, Edelgard s'apprêtait à impliquer des innocents de tout le continent dans un conflit qui ne les concernait pas.

La jeune femme aurait pu à ce moment quitter l'Empire afin de garder sa conscience propre mais avait considéré que sa position actuelle lui permettait peut-être d'influencer le cours des événements d'une meilleure manière. Edelgard ne l'écoutait pas, mais ce n'était pas excuse. Si Carmilla n'avait pas le pouvoir de changer les choses, elle devait alors monter les échelons et l'acquérir.

Bien que Carmilla voit les liens comme de potentielles faiblesses, elle n'est pourtant pas spécialement froide. Elle expose plutôt facilement ses opinions et émotions, sauf si elle considère que les cacher ne fasse partie d'une stratégie ou d'un type de diplomatie. Cette forme de distance chaleureuse lui permet d'être capable de rallier et motiver ses soldats aisément, puisqu'elle réussit à émettre une forme de dignité naturelle sans se montrer totalement différente d'eux.

Ses sentiments quant à sa famille sont toujours incertains. Bien qu'elle ne soit plus proche de ses frères et sœurs, elle conserve une forme d'amour profond pour eux. Elle ressent toujours un désir de protection envers eux, comme pour se racheter de sa faiblesse passée lorsqu'ils avaient besoin d'elle.

Toutefois, leurs positions politiques opposées peuvent faire qu'elle les considère comme des obstacles au bien dans ce monde. Sa vision du bien peut sembler assez infantile pour une femme si mature et complexe, elle amalgame l'innocence et le bien. Les êtres humains sont par défaut innocents, méritant compassion et considération. Un être s'attaquant à un innocent perd ce statut et les droits qui en découlent. Elle peut ainsi se montrer cruelle envers ceux qu'elle pense mauvais. Elle croit en la possibilité de rédemption, mais seulement lorsque des preuves et actes viennent appuyer les discours. Si leurs anciens tortionnaires montraient des signes de rédemption, les pardonnerait-elle ? Une partie d'elle l'espère, mais elle n'est pas certaine qu'elle pourrait contrôler ses émotions si la décision ne revenait qu'à elle.

La jeune femme ne fait pas partie de ceux qui pensent que le pouvoir corrompt. Le pouvoir est corrompu lorsque celui ou celle qui en use l'est. Elle est convaincue que si elle possédait plus de pouvoir, ce pouvoir ne pourrait être que bon. Carmilla ne peut ainsi concevoir que la poursuite du pouvoir soit vue comme mauvaise en elle-même. Elle ne cache pas son ambition et son appétence pour les hautes sphères, elle serait quasiment prête à tout pour y accéder... tant qu'elle ne doive pas s'attaquer elle-même à des innocents et devenir ce qu'elle hait.

La princesse impériale n'a pas réellement de passion. Bien qu'une personne extérieure pourrait penser que la lecture est l'un de ses passe-temps, il est en réalité rare qu'elle ne lise des livres qui n'ont pas vocation à lui apprendre des concepts ou techniques servant à ses objectifs. De même, elle apprécie manier sa lame mais peut-être pas au point de qualifier l'escrime de passion.

Ayant subie les mêmes expériences qu'Edelgard et le reste de sa fratrie, elle aurait pu détester les emblèmes avec la même intensité. Pourtant, de la même manière qu'elle ne hait pas le pouvoir en soi, elle ne pense pas que les emblèmes soient maléfiques de manière inhérente. L'ordre qui a été fondé autour d'eux par l'Eglise et les différentes aristocraties est bien évidemment à combattre, de manière pacifique, mais une société meilleure où les emblèmes subsistent n'est pas une utopie irréalisable. Edelgard souhaiterait-elle supprimer les richesses de ce monde pour combattre les inégalités entre les nobles et les paysans ? Souhaiterait-elle supprimer les muscles du corps humain pour que les plus forts ne puissent plus violenter les plus faibles ? Alors pourquoi supprimer les emblèmes ? Ceux possédant des emblèmes devraient être responsabilisés et éduqués d'une manière à ce qu'ils se conforment à la morale.

Si elle était une simple roturière, Carmilla se ficherait certainement de son apparence. Toutefois, elle est consciente que si elle souhaite montait les échelons, elle devra jouer un rôle de représentation de plus en plus important et a donc augmenté le soin qu'elle apporte à ses tenues et l'image qu'elle renvoie, sacrifiant parfois son confort pour soutenir son charisme déjà naturel.