Il ne tient parfois à rien que d'être révélé aux yeux du monde.

Au sein de la famille Von Aegir se tenait une femme. Sans être la plus belle ni reluisante de sa lignée, celle-ci jouissait du statut spécial conféré par son sang. Hélas, subir la pression de naître dans une famille noble fait parfois prendre à l'existence des virages inattendus. Jeune et insouciante, la femme s'était laissée prendre aux jeux de séduction et avait finalement décidé d'offrir son corps avant le mariage... à un roturier qui plus est. Chose banale pour certains, faute grave pour un membre d'une prestigieuse lignée. Ainsi, alors même qu'au fil des mois naquît une entité destinée à vivre, le déni de la pauvrette fut si fort qu'il en vint à recroqueviller l'enfant en elle. Des mois passèrent ainsi, entre ignorance voulue et subie.

Mais tôt ou tard s'invite l'évidence, et l'impossibilité de l'ignorer plus longtemps.

Alors en déplacement diplomatique à l'alliance, et ce dans l'optique même de pouvoir convenir à un mariage arrangé, la femme fut prise de douleurs intenses à l'abdomen. L'enfant s'invitait au dehors. Et dans la surprise panique d'être reniée voir pire, dans l'incompréhension de ce qu'elle avait toujours profondément renié, la femme qui eut pour titre le rôle de mère l'espace de quelques secondes envoya son enfant par les flots.

L'enfant alors sans nom fut immédiatement jeté à l'eau dans l'espoir de noyer ce qui fut perçu comme une catastrophe. Ignorant tout de ce passé qui n'avait pas voulu de lui, le bambin fut alors recueilli par un couple de pêcheurs l'ayant miraculeusement retrouvé flottant aux abords d'un village de Leicester. Élevé par une famille aussi aimante qu'absente, Thaumiel fut bien vite en âge de comprendre qu'il ne considérerait jamais sa famille adoptive comme ses véritables parents. Ressentant une indifférence émotionnelle inexplicable et sans doute de son fait, le garçon eut tôt fait de quitter le cocon familial une fois qu'il eut jugé sa place ailleurs.

Une place qu'il ne trouva pas des années durant. Confronté à la dure vie de vagabond, l'enfant se mêla à divers groupes de reclus pour assurer sa survie. Apprenant les rudiments de l'escrime -parfois obligatoire pour survivre dans la rue- son esprit fin et aiguisé, couplé à sa grande sensibilité sous jacente, le dévoila rapidement comme un épéiste exagérément doué. Rapide, précis et méthodique, pas une once d'hésitation ne venait trahir ses coups, fussent-ils donnés dans le vent ou de véritables personnes. Ce fut ainsi que, parallèlement à sa maitrise de la lame, l'enfant s'adonna à toutes sortes d'activités l'appelant à solliciter son esprit. Véritable virtuose, la musique s'avéra être complémentaire à sa maitrise du combat et révélatrice d'une personnalité plus créative qu'il ne voulait bien l'afficher.

Au fil du passage des années et de ses vagabondages au sein du pays, plus particulièrement des montagnes et forêts dont il appréciait l'exploration, Thaumiel décida finalement de louer ses services à la garde, voulant mettre ses talents en exergue et explorer une nouvelle facette de cette vie qu'il n'avait jamais dédié à une véritable cause. Choisissant lui-même son nom à consonnance volontairement noble, l'homme se fit rapidement au nouveau train de vie que lui imposait son statut de soldat. S'il resta dans les clous durant ses premières années de service, ce fut lors de l'avènement de la guerre... qu'un homme se démarqua particulièrement au sein de la garde.

Implacable et terriblement efficace tant au combat qu'en terme stratégique, l'indéniable talent du soldat pour la guerre le propulsa quelques années plus tard au poste de capitaine de la garde de l'aube. En tant que protecteur du régent, ce fut sans l'ombre d'une hésitation qu'il se rangea du côté de Claude à qui il voua sa lame par toutes circonstances, bien loin de croire en ce semblant de paix instauré récemment.

Tout semble avoir été dit n'est-ce pas ?

Incapable de mentir ou de travestir ses idées, il arrive souvent au capitaine de blesser ses interlocuteurs, raison pour laquelle il ne s'encombre que rarement des contacts sociaux. Chose qu'il fait pour autrui mais également par auto préservation, Thaumiel souffrant d'une forme de timidité allant jusqu'à la tétanie si le contact est forcé de manière trop insistante. Loin de toute forme de misanthropie, l'épéiste fonctionne simplement différemment des autres et s'épanche davantage dans l'écriture et l'expression alternative notamment par la musique.

Paradoxalement, si certains seraient tentés de jouer de ce que l'on pourrait interpréter comme une forme d'innocence, il est presque impossible de manipuler le capitaine et encore moins de lui implanter la moindre idée déviant de son mantra. Outre celui-ci, Thaumiel ne suit que les préceptes impliqués par son statut de capitaine et son allégeance à l'alliance. Car en dépit de la distanciation dont il fait preuve, l'homme voit en sa nation un foyer à préserver sans lequel il n'aurait sans doute pas pu trouver le bon chemin. Raison pour laquelle un tel poste lui revient, lui qui ne recule jamais face à l'envahisseur et se tient toujours prêt à donner de son sang pour les siens. A chacun sa catharsis.

Perclus de doutes et idées incessantes, l'esprit pratique du capitaine a tendance à sans cesse réorganiser ses pensées pour en faire l'agencement le plus propice à l'épanouissement. A la manière d'un véritable joueur d'échecs, Thaumiel n'agit jamais à l'instinct, ou plutôt, son instinct lui-même semble être fait d'analyse et de rationalité. Un esprit alliant donc à la fois pratique et créatif, ce qui donne cette saveur toute particulière à ceux ayant déjà pris le temps de le côtoyer.