HISTOIRE
La pluie tombait avec force sur le toit de la maison Goneril, cognant sur le bois en un rythme effréné. Dans le lit, une masse se redresse, s’assied sur le matelas. C’est une jeune femme.
Sa peau sombre se devine dans les éclats de la dernière bougie en train de dépérir dans la cire fondue à quelques mètres d’elle. Ses lèvres s’entrouvrent en un soupir et elle se tourne un peu vers la silhouette encore couchée près d’elle.
« Holst ? »
Pas de réponse. Mais elle ne se laisse pas abattre pour si peu. Doucement, sa main vint glisser sur la nuque de l’homme, laissant la pulpe de ses doigts pianoter cet endroit qu’elle sait sensible.
« Hummmm… »Un sourire prend place sur le visage de la nymphe tandis qu’elle continue son petit jeu, trop contente de voir son petit effet fonctionner. L’homme glisse sur le dos, étire ses bras au-dessus de sa tête et ouvre un œil dans sa direction. Un éclair perce l’obscurité par-delà les volets de la chambre, suspendant durant une courte seconde cet instant entre eux.
Enfin, Holst la regarde et lui sourit – elle ressent dans sa voix plus qu’elle ne le voit, la bougie ayant rendu l’âme définitivement au profit de la nuit agitée.
« Lafita… J’imagine que le soleil n’est même pas encore levé ? »« Non. »
« Alors quoi ? »« La pluie m’a réveillé. »
« Et donc tu as voulu me réveiller aussi histoire de partager ta subite insomnie ? »Elle rit et vient se coller à lui, une fois de plus.
« Idiot, non ! C’est juste que je sais que je n’arriverais plus à me rendormir avec un tel orage au dehors, alors je me suis dit que, peut-être… »
« Peut-être ? »« Tu pourrais me parler d’anecdotes sur toi ? »
« Encore ?! »« Oui, je les aime. »
« Tu sais que tu as sans doute déjà dû toute les entendre au moins quatre fois, j’espère ? »« Pas grave. J’aime la sensation d’avoir ta chaleur contre moi quand je sais que dehors, il pleut averse. Et ta voix me berce alors peut-être qu’avec un peu de chance, tu arriveras à me rendormir ? »
« … »« Steplaiiiiiiit ! »
Il soupire mais sans méchanceté aucune.
« D’accord, d’accord. Installes toi bien alors. »Latifa vient se presser encore plus contre le corps du Goneril, laissant le bras de ce dernier entourer son dos. La jeune almyroise n’aurait jamais cru pouvoir s’attacher à un tel homme – si ce n’est l’ennemi de son peuple d’origine – et pourtant, lui plus qu’un autre à su lui tendre la main quand même son propre bataillon l’avait abandonné derrière, sans un regard.
Depuis, elle sait que Holst fait de son mieux pour qu’elle se sente ici chez elle, servante ou non. Bien sûr qu’elle a entendu ce qu’il était advenu des précédents prisonniers condamnés ici à la servitude. Mais Holst n’était pas l’instigateur de ces maltraitances. C’est d’ailleurs lui qui a envoyé en secret une missive à Dame Rhea pour demander à ce que le dénommé Cyril puisse être recueilli par l’Église de Seiros. Mais il s'est bien gardé de s'en vanter, bien évidemment.
Holst n’est pas son père et Latifa le sait. Il est plus doux, plus humain. Même s’il protège et combat à la frontière avec Almyra, ce n’est jamais avec l’objectif de tuer et la jeune femme sait bien que lorsque rentre le chef de famille, couvert d’un sang qui n’est pas le sien, il en souffre aussi. Mais il ne le montre pas, tout simplement, car Holst est solaire et qu’il faut le laisser venir à soi pour qu’il se confie pleinement.
Latifa sait qu’elle a cette chance et c’est précisément pour cela qu’elle se permet de le titiller de la sorte. La tête posée sur son torse, elle écoute au rythme de son cœur et de sa respiration, ses anecdotes d’enfance auprès des dénommés Balder et Balthus. Deux gaillards que Holst porte encore aujourd’hui en très haute estime, Latifa peut le deviner rien qu’à sa voix, au timbre qu’il emploie pour les désigner. Holst les aime, profondément.
Leurs histoires à l’Académie des Officiers, mais aussi avant, lui donne un aperçu du trio infernal qu’ils étaient sans aucun doute avant que la vie et les diverses occupations de chacun ne les séparent. Il parle aussi beaucoup d’Hilda, sa petite sœur, et combien il l’aime au point qu’il serait capable de sacrifier sa vie pour elle sans l’ombre d’une hésitation. Leur relation fascine Latifa qui aurait, quelque part, aimé avoir ce genre de relations elle aussi.
Mais plutôt que de jalouser, elle préfère écouter et s’imaginer les scènes. Elle préfère romancer les ardeurs des soldats sous le commandement de Holst, qui scandent son nom par trois fois lorsqu’il remporte une énième bataille. « Holst ! Holst ! Holst ! » résonne comme un cri unique contre les parois de l’imprenable Collier de Foldan, que le rosé défend avec tant d’ardeurs. Elle ne peut s’empêcher de l’admirer. Lui qui lui a donné un emploi, une situation, qui la traite bien et ne s’embarrasse pas de son absence de titre ou de son statut d’étrangère pour lui montrer son affection peut tout aussi bien devenir un guerrier redoutable sur le champ de bataille. Rusé, intelligent, charismatique… On en voit peu, des gens comme lui.
Il continue de parler et Latifa comprend qu’il veut contenter le plus de personnes, qu’il veut convenir à l’idée que l’on se faisait de lui. Ses parents en attendent beaucoup et Holst se met tant de pression que la jeune femme pourrait presque jurer pouvoir sentir les tensions sous la peau du combattant. Pour le moment, il tient le sujet du mariage à l’écart – avantage d’être né homme, sans aucun doute – et préfère se concentrer à brûler les demandes des prétendants de sa sœur.
Latifa rit alors qu’il reprend sur son année au Monastère de Garreg Mach et comment il a réussi à illustré sa classe à la Bataille de l’Aigle et du Lion - quelque chose d’important pour les Foldiens, sans doute. Holst fut le préfet des Cerfs d’Or et a tenu cette position avec honneur toute sa scolarité durant. Peut-être a-t-il jamais été heureux sans ombrage aucune uniquement là-bas, même…
L’almyroise craint le jour où il lui faudra se marier, car elle ne veut pas voir Holst malheureux. Ô, bien sûr, la relation qu’elle entretient avec lui n’a rien de durable. Ils le savent tous les deux, furent clairs dès le départ et l’acceptent ainsi. Latifa s’ingénie à combler les besoins affectifs du guerrier et passer du baume sur ses plaies du cœur lorsqu’il revient des batailles. Malgré tout, elle l’apprécie sincèrement.
Le sommeil la rattrape au moment où il évoque une histoire de sous-vêtements dérobés aux Aigles de Jais et aux Lions de Saphir pour aller les accrocher au haut du bâtiment du réfectoire. Holst a un don pour la faire se sentir en sécurité, si bien qu’elle ne prête même plus attention à la pluie ou à l’orage qui gronde toujours au dehors.
Bientôt, très bientôt, ses pensées seront de nouveau calmes et elle pourra profiter du reste de la nuit pour dormir à ses côtés.
Et comme tous les matins, elle se réveillera seule car il n’aura pas voulu déranger sa torpeur.
CARACTERE
Holst est charismatique, rusé, solaire. Il parvient à rassembler les cœurs et les fois par ses mots et sa façon d’être. Les gens aiment être en sa présence et parler avec lui, car il a la diatribe facile. Peu regardant des conventions, Holst aime avant tout guerroyer et s’assurer que ceux qu’il aime vont bien.
Passionné par le dressage canin, il est souvent dans l’espace dédié à ses trois chiens lorsqu’il n’est pas en déplacement ou en train de trier son courrier. Jamais il ne lèvera la main sur un animal.
Il a par ailleurs en horreur la violence bête et méchante, celle que l’on utilise en dernier recours, pour se faire entendre. Car si Holst tient la hache sur le champ de bataille, c’est contre des adversaires préparés. A armes égales. Il n’ira jamais lancer de raid sur des innocents et la seule fois où l’un de ses hommes l’a fait sans son approbation préalable, il a été retrouvé pendu à un arbre sans attendre.
Pourtant, ce portrait lumineux du chef de la famille Goneril cache un pendant bien plus problématique.
Holst ne parle pas. Ou plutôt, il ne se confie pas lorsque quelque chose ne va pas. Il faut être très proche de lui et le secouer un peu pour qu’il passe aux aveux sans avoir l’impression d’être le dernier des derniers. Persuadé de devoir tout prendre sur ses épaules, il accepte les blâmes sans broncher et seuls ses yeux, peut-être, pourront trahir le mal que cela peut lui faire.
Les fois où il a déçu son père ne se compte que sur les doigts d’une seule main, mais à chaque fois, Holst en demeura inconsolable de longues semaines durant. Il a lui-même mis sur ses épaules une pression monstrueuse et ne sait trop comment s’en départir, à présent.
Farouche opposant à l’Empire, beaucoup le figurait comme prochain chef de l’Alliance avant l’arrivée de Claude. Pourtant, cette arrivée, même si elle n’est pas tout à fait acceptée de par l’individu en question arrange bien Holst. Lui ? Chef de l’Alliance ? C’était beaucoup trop de choses auxquelles penser lorsqu’il s’illustre bien plus sur le champ de bataille que sur des cartes durant des jours entiers – il peut le faire, c’est simplement que cela le sort un peu de sa zone de confort habituelle.
Et puis, Holst voue un culte à Goneril, à ses forêts, ses rivières, ses vallées qu’il parcourt encore à pieds pour le simple plaisir de s’y sentir chez lui. Devenir chef de l’Alliance aurait acté qu’il déménage à Derdiu et cela ne lui aurait pas plus du tout.
Pour le reste ? Il vous faudra le croiser pour en apprendre davantage à son sujet.