Secret. Flou. Vague. S’il y a bien trois mots qui décrivent parfaitement le passé de Goete, ce sont ceux-ci. Si aujourd’hui on lui demandait ce dont il se souvenait, et de raconter ce qu’il était… Ce serait impossible, pour lui, de tout dire. Principalement parce qu’il n’en a pas envie. Mais aussi parce que ses souvenirs sont douloureux, et trop flous.

Il ne se souvient que de quelques bribes. Des parents qu’il aimait. Mais une disparition bien trop précipitée. Une mort atroce, peut-être ? Ou juste un abandon ? Et la présence de quelqu’un d’autre. Oh, cette personne. Une sœur, qu’on lui avait dit. Une ignominie, de son point de vue. Goete n’aime pas celle qu’on décrit comme sa sœur. Il la hait. Il la déteste.

Elle lui a tout pris. Elle l’a abandonné. Elle est partie. Et lui n’a plus rien. Même plus identité, même plus caractère, même plus personnalité. Lui n’a plus rien. Goete s’arrangera pour la retrouver. Goete voudra la trouver.

Et il l’écrasera. Comme elle lui a fait tout perdre. Il lui fera tout perdre. Lui arrachera les ailes, et rira en la voyant céder sous le poids de son corps. Et il profitera de sa déchéance, quand il l’aura brisée.

Vous êtes-vous déjà demandé qui vous étiez ? Non pas votre prénom, votre nom, ça, vous le connaissez. Mais qui vous étiez, au fond ? Savoir de quelle manière vous pourriez réagir ? Comment vous auriez envie de bouger face aux choses qui vous arrivent dans la figure ? Le savez-vous réellement ?

Goete, lui, l’ignore. Sorti d’un cocon trop tôt, il ne sait que faire de toutes ses qualités, ou de tous ses défauts. Bien que, à ses yeux, sa seule existence soit un pur défaut. Et qu’il faudrait peut-être s’arranger, un jour, pour y remédier. Mais il n’aurait le courage de mettre fin à sa vie, seul. Peut-être, dans le fond, est-ce pour ça que le soldat passe son temps à se battre, montre des talents incroyables sans jamais pour autant demander à monter de rang ? Plusieurs fois, on lui a proposé de devenir Commandant, voire Capitaine. Mais jamais l’homme n’a accepté. Pour quelle raison ? Lui-même ignore.

Peut-être est-ce parce que dans le fond, cette guerre, il n’en a rien à faire. Peut-être est-ce, au fond, parce que son but est tout autre ? Peut-être est-ce, parce qu’au fond… Il n’a qu’un seul objectif, et ce n’est pas en croupissant dans une armée qu’il méprise, qu’il pourra l’accomplir ? Goete n’a qu’un seul objectif. La vengeance. Écraser ce que cette personne aime, un à un. Tout ce qu’elle aime, tout ce qu’elle cherche à construire. Tout ce qu’elle apprécie, lui arracher tout, un à un.

Mais en même temps, Goete est calme. Réfléchi. Posé. Ou impulsif ? Tempétueux ? Destructeur ? Ses réactions sont imprévisibles. Il est impossible pour quiconque – pas même lui – de savoir comment il va réagir à l’avance. Un jour, il peut accepter un cadeau avec joie. Le lendemain, il peut hurler de rage, le déchirer, alors qu’il s’agit du même cadeau, offert part la même personne. Son instabilité le détruit petit à petit, lui qui se hait tant. Qui hait tant tout ce qu’il fait.

Alors casque sur le visage.

Épée en main.

Goete marche vers son avenir – ou vers sa fin.