Aaah, quelle misère se lamentait à grands coups de soupirs Malina, déplorant de devoir aller péter jusqu'au comté voisin pour faire la publicité de leur magasin, et au passage faire voire sa petite bouille irrésistible un peu partout dans l'espoir que quelqu'un ne l'accoste soudainement à grand renfort de fleurs et de poèmes pour lui promettre le soleil, la lune, et surtout sa fortune. Pour l'instant, le résultat n'était pas brillant. On l'accostait certes de temps à autre, mais la jeune fille se dérobait le plus souvent dans ces cas-là.
Il faut dire que les jeunes puceaux en manque de sensations fortes, de haut-fait prépubère pour impressionner les copains, et surtout d'argent n'intéressait nullement l'exigeante donzelle, qui ne manquait pas non plus d'esquiver les prétendants plus âgés - dans un éventail varié - qui lui proposaient un verre ou une nuit pour oublier leur morne existence quelques heures. Quelle plaie d'être séduisante ! Je ne suis pas une femme-sandwich, merde ! se retenait-elle de gueuler à chaque importun indésirable et indésiré.
Non pas qu'elle n'aimait pas attirer les regards et les esprits, flattée de se savoir belle - et ignorant tout de ceux qui lui allouaient d'autres adjectifs dans son dos - mais elle en avait assez d'avoir l'impression d'être un jambon dans un marché ambulant pour défavorisés. V'savez, le mot gentil pour "pouilleux de bas étage". Et comble du pompon, elle devait faire des distances pas possibles pour ça en plus ! Bonjour les heures et les jours de marche ou de trajet en carriole inconfortable ! Ils sont bien gentils ces gaillards, qui lui disent avec un gros accent "Asy la p'tiote, monte-y donc à l'arrière, j'te conduis" mais leur amas de vieilles planches semi-vermoulues avec un nombre variable d'entre elles qui se font la malle, avec option clou qui dépasse, gentils ou pas gentils, ça câlisse grave comme dirait l'autre !

Mais bon, elle s'efforçait malgré tout de tenir son rôle. Les temps sont durs pour tout le monde, et il vaut mieux montrer patte-blanche tant qu'elle le peut encore. Même si elle fait sa mauvaise tête, Malina ne sait que trop bien que tout pourrait basculer du jour au lendemain, l'obliger - dans le meilleur des cas - à déménager à nouveau, dans une zone plus précaire, avec un train de vie plus médiocre. L'idéal serait bien évidemment d'assurer ses miches ses arrières avant que la situation ne dégénère à nouveau. Comme dirait M'man, on peut se dire que ça n'est pas urgent d'apprendre à nager tant qu'on va reste sur la terre, mais vous regretterez vraiment d'avoir tardé si vous tombez un jour à l'eau.
Alors voilà où elle en était, à traîner sur les longues routes de Gloucester. Évidemment, à pied, car aucune charrette n'avait été disponible à cette heure-ci dans la direction qu'elle voulait prendre. Mais bon, ce n'était pas la première fois, et même si ça la gonflait royalement, au moins pouvait-elle chantonner des airs guillerets - dont certains que la décence réprouverait à divers degrés - quand elle se retrouvait toute seule sur les interminables sentiers séparant villes et cités.

Et comme les ennuis, c'est comme les oiseaux, ça vole en escadrilles : Le trajet ne pouvait évidemment pas se passer sans encombre, hein ? Aux abords d'un bosquet, tandis qu'elle avançait d'un esprit un peu absent, accompagné par le "tac tac" de son bâton de marche tous les deux pas, un mouvement attira son attention. J'ai dit : Un mouvement attira son attention.
Mais bon sang de bois, elle va se retourner cette courge ?
Tiens, un mouvement dans les bois attire mon attention AH BAH QUAND MÊME !
Bref. Voilà que, sortant de la couverture des arbres, trois hommes qui profitaient du calme, de l'ombre et de l'isolement pour faire leurs affaires d'hommes - probablement picoler comme des sacs et râler sur le monde qui les entoure quoi, d'autant que l'un d'eux tenait encore à la main une gourde vraisemblablement remplie d'alcool au vu de sa démarche pataude - s'avancèrent alors pour rejoindre le sentier, devançant la jeune voyageuse aux charmes trop affirmés pour son bien-être psychologique et qui eut un mauvais pressentiment.
Ce n'était pas la première fois qu'elle se retrouve dans des embrouilles, encore moins avec des lourdauds alcoolisés, mais d'habitude elle n'est certainement pas seule au milieu de nulle part. Tentant le bluff, elle leur jeta simplement un regard - qu'elle voulait curieux, du genre de ce qu'on jette à quiconque on croise fortuitement sur son trajet - en continuant de marcher à la même cadence. Surtout, ne pas accélérer, et regarder discrètement aux alentours pour une direction de fuite se dit-elle tandis que deux des marauds se bousculaient du coude en la désignant de quelques gestes sans finesse.
Lorsqu'ils se mirent en travers de son chemin, l'obligeant à s'arrêter à quelques pas d'eux, elle fit la moue, regrettant de ne pas être restée gentiment au lit ce matin - mais elle se disait ça presque tous les jours - tandis que le plus gros des trois la saluait d'une voix rauque.

"Bah alors, où qu'elle va comme ça la p'tite dame ?"

Oh misère ! Casse-toi pauvre lard ! Ne me parle pas ! T'es moche, t'es sale et tu pues de la gueu elle afficha alors son plus beau sourire, pressée de pouvoir respirer à nouveau de l'air frais, et accessoirement de sortir de ce traquenard.

"Bonjour ! Désolée les garçons, je suis super pressée. Mon patron va péter un plomb si jamais j'arrive en retard."

Bluff numéro deux : Faire croire qu'on est attendu par un homme, de préférence adulte, qui va la chercher partout si jamais elle n'est pas à l'heure. Avec un peu de chance, l'idée de se faire courser, et éventuellement arrêter - avec option tabassage - allait les dissuader de trop l'embêter.
Mais le soucis avec ce genre de feintes, c'est que ça marche quand même vachement moins bien quand on est au milieu de nulle part ! Qui pouvait bien risquer de les voir et d'aller reporter ça à la ville, hein ? D'autant plus que ces trois péquenauds qui refoulent semblaient soit trop bourrés pour comprendre le danger, soit pas assez pour tomber dans le panneau. C'était bien sa veine !
Pire, sa ruse sembla même les provoquer car les deux compères s'avancèrent légèrement sur les côtés, entamant un début d'encerclement. Okay, ils sont pas là pour planter des choux et tout en se disant qu'elle ne tenait pas à savoir ce qu'ils voulaient planter d'autre, la jeune femme évalua ses chances de fuite si elle tournait les talons maintenant et piquait un grand sprint... Hé ben c'était pas glorieux, elle n'était pas une grande coureuse après tout, et était plus qu'incertaine de pouvoir tenir la distance. D'autant plus que ça lui sciait un peu les nerfs de songer à rebrousser chemin alors qu'elle avait déjà fait le plus gros.
Reculant d'un pas, voyant les crapules avancer de deux, elle commença à saisir son bâton à deux mains et à bomber le torse pour se montrer plus affirmée, espérant que le troisième bluff, celui du "Je suis super grande, et je suis p'tet super forte, alors gaffe à vos gencives" puisse lui gagner un peu de temps.

"Vraiment, laissez-moi passer les gars. Je ne suis vraiment pas d'humeur."

En voyant leurs rictus s'agrandir, ponctués de quelques remarques grivoises ou moqueuses, Malina put définitivement conclure mais quelle journée pourrie alors qu'elle enchaînait les échecs sur ses jets de persuasion. La situation allait bientôt dégénérer, et même si le plan de "J'assomme le premier d'un grand coup de canne sur la tête, puis je pars en courant, soit tout droit, soit en arrière" semblait bien sur le papier... elle doutait déjà de réussir à sonner un tel gaillard d'un seul coup, surtout au vu de ses réussites de la journée, et surtout à mesure que le pire approchait, elle commençait à trembler de partout, retardant toujours plus, autant qu'elle pouvait, ses chances de prendre l’initiative, dans l'espoir d'esquiver l'inévitable drame en approche.
Quant à tenter d'en faire flamber un en hurlant comme une hystérique ? Déjà, psychologiquement, elle tiendrait pas le choc - et probablement pas l'odeur non plus - et redoutait grandement que ses compères ne cherchent à le venger et lui fasse subir bien pire que d'indigne outrages...

Et galère, et galère, et mer... oh, un pigeon arrivant à point nommée ! Tandis que la situation commençait à sentir le roussi, et la jeune femme à paniquer, un jeune homme surgit de nulle part - décidément, cette route est pleine d'embuscade à défaut d'embûches - et celui-ci semblait déterminé à jouer aux héros plutôt qu'aux bandits. Il paraissait bien portant et plein de confiance, et qui plus prêt à se battre pour elle. Enfin une bonne nouvelle ! Merci, ô divine providence ! On en viendrait presque à croire que Sothis existe
Cela dit, il était peut-être un peu trop chaud-patate, car à peine arrivé, Blondinetdu43 tenta de s'imposer en jouant les gros bras. Motivé mais pas forcément très futé hein ? Réalisait-il que ces trois marauds éméchés n'allaient pas être très impressionnés par un jouvenceau jouant les jolis cœurs pour une midinette qui tente subrepticement de s'esquiver pendant la discussion ? La réponse ne se fit d'ailleurs pas attendre sous la forme d'un "Moi j'dis, on s'les fait d'abord" ce qui n'augurait rien de bon peu importe l'interprétation.
Le combat paraissant inévitable, Malina s'apprêta à prendre ses clics avant les claques et à tourner les talons pour foutre le camp, et tant pis pour le héros apparu aléatoirement dans les buissons. Il était en bonne santé, il saurait se débrouiller, pas vrai ?

« Bien, je risque d'avoir besoin de vous. J'espère que vous avez quelques bases au sujet du maniement de ce bâton car à trois contre un en vous protégeant je ne suis pas sur de pouvoir garantir votre sécurité. »

AH !
Se figeant quelques instant tandis que les bandits prenaient position, Malina se sentit glacée par la tournure de la situation. P'tet b'en qu'elle n'avait pas beaucoup de race et préférait sauver ses miches que taper des gens, mais même elle ne pouvait facilement se résoudre à abandonner - probablement à la mort, qui plus est - un jeune couillon se mettant en danger pour l'aider. De plus, si les bandits triomphaient, ils essayeraient sûrement de la retrouver, ou continueraient à camper dans les environs à la recherche d'une nouvelle proie.
Le visage déformé par un rictus tremblant, essayant d'apparaître assurée alors que ses dents commençaient à claquer, elle échappa un rire nerveux en s'obligeant à faire face malgré tout aux trois brutes, se répétant que ça devait être un mauvais rêve, une simple hallucination nocturne induite par ce poulet mangé la veille. Ou alors c'était la faute aux légumes ! Ou même du lit, pourquoi pas! Il devait être possédé par quelque esprit farceur s'amusant avec son sommeil, car il était parfaitement impossible qu'elle soit en train de gager sa vie avec un parfait inconnu dans l'optique de neutraliser "durablement" trois personnes bas de plafond très mal intentionnées.
Pas vrai ?

"M...mais b-bien sûr, qu'est-ce t-tu crois, hein ?"

Vous vous foutez de moi, c'est ça ? J'ai une tête de moniale de combat p'tet !? Comment je lui réponds poliment d'aller battre ces mécréants et que je rafistolerais du mieux que je peux ce qui restera de sa tête de courge bipède !?
Car il était purement hors de question qu'elle ne se rue au corps-à-corps avec ces malades bourrés. Un bâton de marche contre une hache ? Non mais ça va pas ? En plus elle était la demoiselle en détresse, pas le preux héros mal peigné venu la sauver. Quand à utiliser sa magie, c'était la solution la plus raisonnable... et accessoirement le seul atout qu'elle possédait dans sa manche. Mais même si elle aime bien la viande grillée, elle ne se sentait pas d'humeur à improviser un barbecue.
Alors figée par le doute, elle essaya au moins de paraître bien droite dans ses bottes, de ne pas avoir l'air trop faible ou fragile, d'étirer les secondes les séparant encore de la catastrophe et de chercher un plan pour sauver ses miches... Et puis un bandit bougea. Il fit juste rouler ses épaules, jouant avec sa hache pour faire le malin ou s'échauffer, peut-être. Ce fut l'élément déclencheur.

"IIIIIIIKKK !!"

Screw this, i'm out ! beugla son cerveau tandis qu'elle décampait, cherchant spontanément un vecteur plus ou moins optimal pour se rapprocher de son allié spontané et s'éloigner de leurs ennemis. Pas question qu'elle affronte ça ! Nope ! Verboten ! Ralgamazut !


[Actions du tour : Malina bouge en H6, attend (ou panique inutilement, à vous de voir) et met fin à sa phase.]

Comme si ce n'était pas déjà assez la panique comme ça, voilà que l'autre benêt lui court dessus pour l'attraper par le bras et l'empêcher de fuir. Affolée, songeant subitement que ce blondinet au rabais ne venait peut-être pas réellement pour l'aider, Malina commença à se débattre pendant que son prince à la noix essayait de jouer aux héros. Au diable les héros ! S'il veut pas crever, il a qu'à courir et surtout : Ne pas m'empêcher de le faire !

"Ta mère bouffe des orties par les pieds !" glapit la jeune fille.

Sans avoir le temps de savourer la honte d'être à ce point en panique qu'elle mélangeait dans un gruau incohérent des insultes fort peu distinguées dans la bouche d'une demoiselle - ou dans n'importe laquelle en fait - elle dégagea son bras tant bien que mal et leva sa canne en menaçant de lui en foutre un coup sur le museau s'il la touchait encore.

La créfieu d'ta calisse ! Y'a bien qu'un mec pour être assez timbré pour dire d'pas prendre de risque en fonçant à trois contre un..!"

Sa voix s'étrangla à la fin de sa phrase, tandis que l'homme de tête/centre, le seul à brandir une épée, se ruait dangereusement vite sur eux. Fort heureusement, le sauveur (potentiel) du jour semblait plus ou moins capable d'assumer son audace se retourna, encaissant un coup et lui répondant sur le champ, alors que Malina virait au blanc crème, serrant son bâton contre sa poitrine, rendue muette par la violence qui les atteignait enfin.
Hébétée, elle tenta de reculer, et ne trouva qu'un arbre dans son dos. Le choc du bois dur lui envoya comme une décharge à travers toute la colonne vertébrale, la sortant de sa tétanie soudaine, et elle jeta des regards hystériques à droite à gauche. Des arbres, des arbres, un talus, des arbres... Ils étaient pris, littéralement dos à un mur végétal, trop dense pour qu'ils se risquent à le traverser. A la moindre branche trop solide, à la moindre petite racine sournoise, ils seraient impitoyablement stoppés, le dos tournés à leurs ennemis.
Ennemis qui d'ailleurs arrivaient également par les deux côtés à la fois. Impossible de s'échapper, toute tentative de fuite se solderait immanquablement par une agression physique caractérisée. Elle était faite comme un rat, et tandis qu'elle réalisait avec horreur qu'elle se faisait acculer aux côtés d'un parfait inconnu, Malina comprenait également que ce dernier avait raison, et qu'elle allait devoir se salir les mains si elle voulait survivre...
Oui bon, et éthiquement, c'est vrai que c'est plus sympa également que laisser crever le pauvre gus qui a eu la mauvaise idée de venir l'aider... Mais c'est secondaire, hein ? On a tout le temps de débattre quand on risque pas de se faire défoncer au milieu des bois.

A la vue du sang, elle hésita malgré tout en commençant à lever la main. Résolument, assurément, définitivement, c'était l'une des dernières choses qu'elle souhaiter. Se battre, blesser quelqu'un, pire encore : mettre sa vie en péril... et l'idée de briser ce "tabou" lui donnait des suées froides. Mais il y avait une règle derrière sa petite bouille devenue blafarde qui supplantait de loin toutes les autres, écrasant toute considération éthique ou morale.
Survivre, à n'importe quel prix.
Lâchant un cri suraigu, d'horreur et de résignation bien plus que de défi ou de rage, pour se forcer à franchir le pas, elle invoqua pour la première fois par la plus triste des nécessités ses pouvoirs. Les flammèches dansèrent autour de sa main, suivant les mouvements de son poignet jusqu'à se concentrer au creux de sa paume, jusqu'à ce qu'elle ne projette enfin son sortilège sur son adversaire. Son ennemi. Elle n'avait pas le choix, il n'y avait plus aucune alternative... Il ne lui restait plus qu'à espérer que ces flammes soudaines n'impressionnent ces pauvrets bas du front et les fasse fuir, comme s'il s'agissait de bêtes sauvages.
Dans le cas contraire, ça allait vraiment être une journée sacrément pourrie... et qui l'inviterait à penser que si Sothis existe, alors c'est vraiment une fille peu recommandable de laisser des trucs pareils arriver.




[Résumé : Malina reste sur place, et attaque via le sort "Feu" l'épéiste en G5, (tout en serrant très fort les fesses)