Telle une étoile, on prend la colère comme guide

J'avais beaucoup espéré de ce voyage à Garreg Mach. Peut-être trop? Ou peut-être m'étais-je tout simplement sous-estimée ; la faible moi face au loup féroce de mes sentiments que j'enfouissais et cachais chaque jour plus. Quoi qu'il en soit, marche arrière n'était plus possible pour l'instant... J'étais bien là, assise au milieu du cimetière derrière le village des saints de Garreg Mach.

Pour la première fois depuis longtemps, je faisais face à cette époque qui m'avait fait sombrer si profondément dans le chagrin, et que j'avais fuis des lieux. Pendant longtemps ; trop longtemps. Hier, jour de mon arrivée, avait été une journée chargée et face à mon hôte Nelly et aux quelques vétérans venus pour me rencontrer, je n'avais pas eu à y songer ; mais aujourd'hui ... Aujourd'hui, mes pensées se sont tournées vers le passé immuable et transperçant qui me hantait, malgré moi. Une souffrance interne que  je me voilais depuis longtemps, comme un marin refusant de quitter le navire face à l'orage. Après la nuit de cauchemars horribles que j'avais passé, je m'étais intérieurement maudite d'être venue, avant de finalement céder. La voix de mon histoire m'appelait, et j'avais finis, ce matin, par l'écouter. Elle me chantait sa mélancholie pesante, ravivait ma colère, m'attirait vers ce lieu auquel je ne voulais jamais plus avoir à faire face. Mais j'y étais pourtant...

En cette matinée fraîche de fin de Lune des Etoiles, armée de mon baton de métal, je faisais face à la tombe de feu mon amour, perdu il y a plus de 20 années maintenant. Le père de mes deux fils. Après avoir retrouvé avec beaucoup de mal l'édifice de pierre, forcée de sonder de ma main chacune des tombes pour savoir quel nom y était inscrit, je m'étais installée devant, empreint de solitude et d'un violent ouragan de beaucoup d'émotions à la fois. Peut-être qu'il aura fallut que je vienne pour m'en libérer pleinement? Ou peut-être que je réaliserai que je ne guérirai jamais...

La colère, dans son torrent destructeur et ardent, l'emporta, et je frappai violement le sol de mon poing pour m'en libérer. Je me remémorai alors les paroles d'une chanson que ma moitié eu chanté à propos ; ouvrant mes plaies psychologiques plus à vif encore qu'elles ne l'étaient déjà.

Quand la colère vous mord, que commence
La transhumance au bord, au bord
Elle s'amuse, elle dévore, bientôt tu ne seras
Plus qu'un tas de remords, si elle s'accroche à toi

Je parle
De figures de romans en chevauchées sans fin
On se bat pour ne pas qu'elle engloutisse en vain
Les grands sages ont bien dit, la faute est capitale

On ne la prend pour guide la colère comme étoile

Dans les moindres recoins, dans les contrées immenses
Elle retrouve un fuyard à sa traînée d'essence
Rien ne sert de courir, adieu mon innocence
Il me faudra choisir, elle ou bien le silence

Je sais de quoi je parle, je sais de quoi je parle

Quand elle prend le contrôle, inverse les rôles et fait trembler ma voix
Elle rend, la colère, la douceur amère, elle ronge sa proie
Oh combien de temps faudra-t-il avant qu'elle ouvre la voie?
Qu'elle ouvre la voie...

oh mon amour, pardonne moi...

Une larme de fureur et de remords roula alors le long de ma joue, dévorant la moindre parcelle de peau sur son passage, aussi brûlante qu'un incendie entier ; et pourtant elle n'était une goute de cristal gelé qui se perdit dans l'obscurité qui m'entourait. J'était à vif, à cran ; mais toutes les apparences ou les adn bestiales qui pouvaient me qualifier n'aurait pu justifier ce coeur brisé plus fragile encore que celui d'un humain.

Je me braquai soudainement en entendant un bruit craquer derrière moi ; comme un enfant pris sur le fait d'une bêtise. Je détestai me mettre à nu et montrer la moindre fragilité ; et c'était d'autant plus vrai pour un humain , et pire encore pour un inconnu. La rage, de défense, se montra ; je grognai :