L'empire d'Adrestia. Mieux même, sa capitale. Touuuuut pleins de gens au même endroit, comme un clan monstrueusement énorme où chacun vaquerait à sa spécialité, sans cohésion, les gens se croisant sans se parler, sans se saluer. J'en avais la tête qui tournait. Les odeurs m'assaillaient de toute part. Le pain en train de cuire, la viande en train de sécher, ou mieux, vendue en quartiers crus, les légumes, frais ou pourris... Je venais de passer à coté d'une rue entière habitée par des tanneurs, chaque maison dégageait une odeur très forte mais qui me rappelait chez moi... A la différence près que tanner en plein air, c'est quand-même vachement plus agréable. Avec une pensée pour Lili, je poursuivis ma visite de la ville d'un pas guilleret. Souvent, les gens tournaient la tête vers moi sur mon passage, interpellés par ma queue de loup battant derrière moi et par mes oreilles duveteuses, et je leur adressai alors de grands sourires qui leur faisaient détourner les yeux d'un air gêné.

Au bout de quelques heures à flâner ainsi, je commençai enfin à tendre l'oreille pour écouter les conversations. Tantôt on parlait du pacte de non-agression, tantôt on parlait de l'impératrice, tantôt de menues choses, comme la famille, les amis, le travail... Parfois, j'entendais des disputes, parfois de grands éclats de rire, des provocations et des plaisanteries... C'est totalement au hasard que j'entendis finalement une conversation qui m'interpella plus que les autres. Une dame venait de briser un couteau en faisant tomber quelque chose dessus, et elle parlait de l'amener à réparer à une forge le lendemain... L'idée ne lui plaisait pas trop, puisque la forge en question était tenue par une dragonne...

Une dragonne. Je cessai d'un coup d'écouter la mégère, mes yeux brillant légèrement. En dehors de la famille, je n'avais pour l'instant croisé aucun Laguz depuis notre arrivée sur le continent. L'habituelle curiosité pointa le bout de son nez, et je laissai un sourire étirer peu à peu mes lèvres. J'avais envie de voir la fameuse dragonne, de voir comment elle s'intégrait chez les humains, peut-être même de m'amuser à la faire un peu tourner en bourrique... Du coup, je commençai à aborder les gens un peu au hasard pour leur demander où je pourrais trouver une forge. Je pariais sur un lieux à l'écart du centre-ville, parce-que les humains tenaient à leur confort et n'aimaient pas avoir les forces a coté de chez eux. Je l'avais déjà constaté dans d'autres villes.

De fil en aiguille, a force d'interroger les gens... Me voila devant une maison d'où s'échappent de grands bruits de métal frappé. Flaming Flame. Curieuse, je poussai la porte. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine lorsque mes yeux se posèrent sur la forgeronne... Elle avait des cornes.

- C'est qui Aro ? Je connais pas Aro moi. Je m'appelles Sowelu.

Sérieux, j'avais une tête à m'appeler Aro ? Intriguée par cette confusion des plus inattendues, je penchai la tête légèrement sur le coté et détaillai la dragonne, clignai légèrement des yeux...

Elle ne regardait pas vraiment dans ma direction. Ou plutôt, elle semblait regarder dans le vide, comme si elle ne voyait rien du tout... Et avait un problème de vue ? Étonnant pour quelqu'un qui doit travailler le métal... Je m'approchai en sautillant légèrement.

- Et toi c'est quoi ton nom ? T'es un dragon alors ? Tu fais quoi chez les humains ?

Ça y était, les questions fusaient... Cela dit, j'avais un peu perdu l'envie de la faire tourner en bourrique. Si elle avait été une personne normale, je ne me serais pas privée, mais si elle était vraiment handicapée, j'avais pas envie qu'elle se blesse à cause de moi... Mais du coup j'étais encore plus curieuse. Cela dit, je n'étais encore sure de rien. Mais en tout cas, j'avais vraiment pas une tête à m'appeler Aro.

Apparemment la dragonne n'était pas très encline à répondre à mes questions... Qu'à cela ne tienne, j'avais de l'entêtement à revendre ! Je la suivis donc à travers toute sa forge, m'interrogeant sur le fonctionnement de tel ou tel objet, et constatai d'ailleurs qu'elle était bel et bien aveugle : Elle ne regardait jamais les objets qu'elle touchait, cherchait à tâtons ses outils, bien qu'elle semble en avoir une étonnante maitrise une fois ceux-ci en main.

Et finalement, mon insistance paya : La dragonne m'invita à discuter autour d'un repas si je l'aidais à ranger. Ce marché me convenait parfaitement, et je m'empressai d'apporter mon aide à la dragonne, courant d'un coin à l'autre de la pièce quand elle me demandait de ranger quelque chose, de fermer un rideau, un volet... L'entendre râler me faisait sourire, elle me rappelait ces vieilles mamies bougonnes du clan qui passaient leur temps à râler quand mes sœurs et moi, on venaient les embêter... Mais elles étaient trop gentilles, et elles avaient souvent une friandise pour trois jeunes louves en pleine croissance.

L'invitation de la dragonne était d'autant plus bienvenue que je n'avais rien mangé depuis mon arrivée en ville. Et j'étais arrivée en fin de matinée. Parfois, je m’interrompais sur un gargouillement sourd, puis je reprenais les tâches qu'on me confiait avec d'autant plus d'énergie que j'étais pressée d'en finir pour aller enfin manger.

Arriva fatalement l'instant ou nous eûmes finit de fermer la forge. D'une manière générale, je pensais avoir plutôt accéléré le processus, même si j'avais fait quelques boulettes qui avaient nécessité de m'y reprendre à plusieurs fois, et je m'approchais à présent de la dragonne avec un immense sourire, salivant d'avance à l'idée du repas qui m'attendait. Mes oreilles étaient dressées sur mon crâne et réagissaient au moindre bruit, comme lorsque je chassais.

- Alors, y'a quoi au menu ?

Encore plus impatiente qu'avant, je me préparai à la suivre, me demandant si elle habitait à la forge ou si elle avait une maison plus éloignée des quartiers des artisans.