Que faisait-elle donc là ? Catherine ne pouvait s'empêcher de se poser la question alors qu'elle prenait place à la table. Avait-elle espoir d'y voir une ancienne connaissance, un ancien élève de l'académie, voir même son ancienne partenaire ? Depuis la mort de Rhea, seule la vengeance avait habité son esprit. Un moment de détente pouvait certes faire un bien fou, mais elle avait pourtant des choses bien plus urgentes à accomplir - alors pourquoi était-elle sagement assise devant une tasse fumante, attendant l'entrée en scène de la jeune femme qui allait partager ce doux moment avec la chevalière ? Catherine n'avait aucune réponse à offrir à cette question.

La personne qui se présenta finalement devant elle ne lui disait rien, à première vue. Elle se retint de pousser un soupir, non pas spécialement à cause de la femme devant elle, mais plutôt à propos du fait de sa propre présence - elle regrettait déjà. Et pourtant, une certaine part d'elle désirait être là. La jeune femme semblait avoir sensiblement le même âge que ses anciens élèves... Même si elle ne désirait pas l'avouer, cette époque lui manquait. Même assoiffé de vengeance, une part d'elle restait la même Catherine qu'autrefois. Alors tant qu'à être là, autant profiter pour faire connaissance n'est-ce pas ? Après tout, peut-être même que tout ça n'était qu'un rêve et oublier pendant quelques temps ses tracas ne pouvaient faire de torts.

Autre point commun avec les étudiants de la feue académie, celle-ci possédait un emblème. Bien entendu, sachant que beaucoup n'était pas spécialement en amour avec leurs conditions - Catherine elle-même n'ayant voulu de son titre d'héritière de la famille Charon - elle allait éviter ce sujet. Toutefois, les emblèmes offraient souvent une voie toute tracée, un sujet qui pouvait s'avérer bien plus intéressant aux yeux de la chevalière. Avant tout par contre, les présentations bien sûr. Se levant de sa chaise, elle tendit une main ferme en direction de l'arrivante, sourire aux lèvres.

« Voici donc la personne qui aura l'honneur d'un tête à tête avec Catherine la Foudre ! Quel est ton nom ? »

Elle avait toujours tutoyé ses étudiants, alors c'était sorti naturellement ainsi. De toute façon, à quoi cela servirait-il de faire des manières ? C'était très probablement un rêve - plus elle y réfléchissait, moins elle voyait d'autres explications à sa présence. Ensuite de retour à la table, chacun devant leur tasse fumante, il était temps d'amorcer la conversation. Je ne crois pas que cela vous étonne, mais Catherine fut la première à ouvrir le bal - elle n'était pas une personne réputée pour son silence.

« Ta silhouette montre que tu entretiens bien ton corps, personne n'a de muscles pareils sans entrainement. Tu sais te défendre ? »

Même si cela n'était qu'un rêve, avoir un nouveau partenaire d'entrainement n'est jamais négligeable. Elle doutait que cette jeune femme puisse lui offrir du challenge si jamais elles croisaient le fer, mais ce n'était pas important. Même dans son sommeil, Catherine ne pouvait rester passive et ressentait le besoin de bouger. De plus, même si le thé était plutôt bon, elle aurait de loin préféré une bonne choppe - le choix du breuvage était peut-être bien la preuve que tout cela était réel en fait.

Une réponse affirmative – et l’épée en plus ! Un point commun, c’était quand même agréable. Bien sûr, Catherine ne dénigrait aucune arme, mais sa préférence était plutôt évidente. Au niveau de la cavalerie toutefois, ce n’était pas sa plus grande force. Quelques expériences désastreuses lui revinrent en tête, arrivant à lui amener un sourire au visage – définitivement, elle préférait sentir la terre ferme sous ses pieds. La jeune femme était mignonne de sourire aussi en parlant de ses capacités, mais n’était-elle pas un peu jeune pour affirmer ses compétences avec autant de force ?

« Pourquoi t’entraines-tu ? Tu veux suivre la trace de tes parents ? »

Sa manière de s’exprimer, le fait qu’elle n’avait présenté aucun titre, seulement un prénom, Catherine en avait déduit qu’elle ne devait pas être de la noblesse. Peut-être que la jeune femme ne savait même pas qu’elle possédait un emblème ?

« Les mères sont rarement d’accord de voir leurs filles opter pour le danger ! »

Elle pouvait très bien en témoigner, prenant exemple sur sa propre famille. Elle avait bien sûr fait l’académie militaire, mais simplement car c’était la norme pour l’élite. À la base, elle n’était pas promise à une carrière de chevalier, mais d’hériter de la maison Charon – le destin de la majorité des gens naissant avec un emblème majeur. Sa famille espérait encore probablement qu’elle change d’avis, renonce à sa vengeance et rentre docilement au bercail, mais ce n’était pas près d’arriver.

« Tu es encore bien jeune, tu verras avec l’expérience que les exploits que tu admires n’ont en réalité rien d’admirable. »

Catherine laissa échapper un léger rire. Ce n’était pas de la fausse modestie, mais ce qu’elle croyait réellement – elle n’est pas exceptionnel. Les champs de bataille ne sont pas fabuleux. Elle a toujours considéré seulement faire son devoir, sans plus. Mais Selene était encore trop jeune pour comprendre ça probablement.