On m’a raconté bien des choses à propos de ma naissance. Une erreur de jeunesse, que mon géniteur avait passé l’arme à gauche peu après et bien d'autres. La seule qui semble véridique serait que l’union qui m’amènerait plus tard à naître s’est faite sur les berges d’un fleuve, d’où le nom de Vif-Fleuve.

Pendant longtemps, j’ai cru n’être que le fils d’une servante des Goneril. Non pas de la branche principale, mais d’une branche annexe de la famille, lointaine, ayant quitté l'Alliance pour quelques obscures raisons qui me sont totalement inconnues. La vie n’y était pas si mal. J’étais logé et nourri tant que je faisais le travail qu’on attendait de moi… Ce qui ne fut pas forcément le cas au début. Les tâches un peu complexes ou délicates sont rapidement apparues comme ne m’étant pas adapté. La vaisselle finissait par terre, ce genre de truc. Je fus uniquement autorisé à exécuter des tâches sans risques « majeur » dirons-nous. Laver le sol, déplacer des charges lourdes, aider le jardinier. Tout autant de tâches qui m’ont permis de me renforcer.

En grandissant, j'obtiens un peu plus de liberté, c’est alors que les choses ont commencé à changer. Je me suis avéré être un élément quelque peu… Perturbateur. Un gars un peu trop virulent à la taverne du coin, un manant importunant quelqu’un. Tout était prétexte à provoquer ceux qui, à mes yeux, n’ont aucun amour propre. Bien entendu, cela finissait bien souvent par en venir aux mains. Plus d’une fois, je suis rentré, esquinté d’un peu partout.

Le temps a continué de couler. Ma maladresse se corrige un peu, on leva enfin l’interdiction sur certaines tâches, notamment servir le repas. Un soir d’automne, après avoir servi les plats, le maître de maison m'arrêta un instant. Il me fixa, puis un membre de la tablée, sa fille. Cela ne dura que quelques secondes, puis il m'autorisa à partir. La scène fut étrange et un tantinet stressante, je dois bien l’admettre.

Une semaine après, tout au plus, le sire me fit convoquer dans ses quartiers. Inquiet de l’origine de cette demande, celle-ci ne se fit pas attendre. L’homme vint directement au fait, me déclarant de son sang.. Le choc fut… Particulier. Je n’ai pas d’autres mots. Malgré cette annonce, je ne pouvais me résoudre à y croire. Cet homme ne pouvait être mon père. Mais avais-je seulement le droit de le contredire ? Sans la moindre preuve ? Non. Je me suis donc résigné à ce fait : être un bâtard du sire Goneril.

Rapidement, on m’envoya rejoindre l’armée afin d’être formé, afin d’être un « fils » digne de ce nom, mais je ne me faisais que peu d’espoir. C’était plus pour me tenir loin, que cette sombre histoire ne s’ébruite en aucun cas. Je ne suis pas un « fils », loin de là, un gêne tout au mieux, mais rien de plus.. Les débuts furent compliqués. N’ayant jamais manié d'armes, j’apparus comme la cinquième roue du carrosse. Cependant, je refusais de ridiculiser mon nom, il en allait de même de celui des Goneril, quand bien même j’en suis un membre officieux.. Plus que les autres aspirants, il me fallut redoubler d’effort afin de devenir un élément convenable, à défaut de devenir un élément remarquable.

Si un semblant de respect commençait à naître à mon encontre, un événement vint tout chambouler: Duscur. Qui aurait pu être préparé à de tels actes ? Assassiner des membres de la famille royale ? C’était aussi inconcevable que impardonnable. Comme d'autres patriotes zélé, j’ai souhaité faire partie des forces de représailles. Dans un premier temps, il n’y avait qu’un profond sentiment de justice dûment rendue. Pourtant, lorsque le massacre tendait à se calmer face à l’extermination des duscuriens, j’eus comme une brutale prise de conscience. Était-ce vraiment une nécessité ? Torturé par les horreurs auxquelles j'ai participé et celles que j’ai perpétuées, j’en perds régulièrement le sommeil au point que cela m’en retourne violemment l’estomac. Je voulais être un protecteur, mais je me suis fait bourreau. À partir de maintenant, je me devais de protéger davantage pour me faire pardonner mes actes.

C'est dans un contexte encore un peu tendu pour ma part que les choses se précipitèrent une nouvelle fois. L'Empire avait décidé de nous attaquer. Avec le reste de l'armée, nous nous sommes mit en marche afin d'intercepter les envahisseurs. Si les premières escarmouches pouvaient laisser penser à un pied d'égalité avec les forces impériales, elles ne tardèrent pas à prendre le dessus. Pourtant, malgré les défaites, je ne pouvais arrêter mes efforts. Je ne pouvais que redoubler d’ardeur, pour soutenir mes camarades dans la rage des combats. Il était hors de question pour nous d'abandonner nos terres sans nous battre.

Si nous tenions bon comme nous le pouvions, tout bascula soudainement avec une annonce aussi choquante que inattendue. Devant le peuple, le Prince Dimitri fut déclaré coupable du meurtre de Rufus Blaiddyd, son oncle, et condamné à la peine capitale pour cela. Ce fut une peine et une confusion immense pour moi. Qu’arrivait-il à ces terres qui me sont si chères ? Comment est-ce possible ? Pourtant, encore une fois, il fallut faire avec, continuer d’avancer, même le monde semble s’écrouler.

Pour ne rien arranger à la situation du Saint-Royaume, l’Empire profita de notre désarroi pour durcir ses assauts. Malgré les forces de réserves dépêchées en hâte, c’est à force d’échec, démoralisé et perturbé, que l’armée fut contrainte de reculer toujours plus loin. Mais, c’est dans ce genre d’heures sombres et malheureuses que quelques coups d’éclats surviennent, quand bien même ne font-ils la différence que pour un cinquième d’une unique bataille.

Ce fut lors d’une des premières batailles avec l’Empire qu’il apparut. Bataillant pour nos vies autant que pour nos terres, c’est en volonté de protecteur que je défendais mes frères d’armes autant que possible. Malgré les blessures, malgré la fatigue, je n’avais de cesse de me battre, comme si une puissance supérieure habitait mon être. Chaque coups de ma hache semblait de plus en plus terrible que le précédent. Chaque blessure que l’on pouvait m'infliger me semblait à peine comme une égratignure. Contraint à reculer, ce n’est qu’une fois au calme que l’origine de cette énergie put être clairement identifiée : un emblème était apparu ou plutôt, de ce qu’on m’en expliqua, il s’était manifesté.

Il s’agit encore d’une chose peu comprise, mais ce qui était sûr, c’est ce qu’il représentait : l’appartenance à la lignée d’un des Dix Héros. Les signes étaient clairs, l’aisance avec laquelle je fus en mesure de manier mon arme sur le champ de bataille, mais également l’endurance dont je pus faire preuve étaient unanime. Pour autant, nous pûmes en discuter plus avant, les combats allaient continuer, nous ne pouvions nous arrêter, même pour un événement aussi insolite et important, quand bien même celui-ci pouvait nous être bénéfique sur le court terme.

Ainsi, les batailles se succédèrent. De champs de bataille en champs de bataille, de défaite en défaite, ma maîtrise de la hache et mon endurance furent remarquée, tout comme ma hargne au combat et ce farouche désir de défendre nos terres comme tous mes frères et sœurs. Même si nous ignorions qu’un cessez-le-feu approchait, ce fut lors des dernières batailles que je commençais à également me faire remarquer pour ma volonté à pousser mes compagnons à combattre de toute leur force.

Lorsque la trêve fut signée, notre armée était au plus mal. Nos terres étaient pour la majeure partie occupées, quand bien même cela faisait désormais trois ans, les stigmates des actes de feu le Prince Dimitri étaient encore présents. C’est en ce contexte aussi particulier que complexe que vint me faire une proposition à laquelle je n’aurais jamais pensé : devenir l’un des généraux de l’armée faerghusienne.

Au plus profond de moi, je ne me sentais pas digne d’un tel honneur. Pourtant, je ne pouvais me résoudre à fuir. C’est avec appréhension que je ne pus qu’accepter un tel honneur. Quand bien même mes onze ans d’expérience pouvaient paraître dérisoire par rapport aux palmarès d’autres, mon envie de protéger mon pays partout les moyens, l’ardeur dont je peux faire preuve lors des combats et mes récents faits d’armes sont tout autant d’atouts potentiels pour aider l’armée à se relever et, dès qu’il nous en sera possible, de récupérer notre territoire.

Mistral est le genre de personne qui peut être autant aimé que détesté, à savoir avoir du tact comme en être dénué. Souvent dépeint comme quelqu’un vivant au jour le jour, attirant la malchance sur lui et ignorant royalement les médisances qui lui sont adressées, étant même du genre à, parfois, envenimer les choses. N’ayant aucune honte à provoquer ceux qui lui sont hostiles, il préfère marcher sur les pieds avant qu’on ne marche sur les siens et, si ça arrive malgré tout, il trouvera toujours un moyen de reprendre le dessus.

Toutefois, il faut bien reconnaître qu’il a énormément travaillé sur son comportement depuis lors. Même si les efforts sont aussi considérables que louables, il est difficile de ne pas remarquer que le jeune homme n’est clairement pas à sa place. Il fut tenu à l’écart de bien des choses, coincé à l’armée, loin des affaires de famille, ce n’est qu’à l’apparition de son emblème qu’il a été reconnu bâtard de la famille Goneril.

Avec ça, on pourrait croire que le bonhomme a peu d’amis et n’est pas bien apprécié. Ce n’est pas le cas. La protection du peuple du Saint Royaume lui tient particulièrement à cœur, peu importe les différents qu’il peut avoir avec les uns et les autres. Malgré une certaine ascendance, Mistral se qualifie lui-même comme un « Homme à tout faire ». Pour lui, sa mission n’est pas d’uniquement défendre le peuple, mais également de lui apporter l’assistance dont il a besoin. En ce sens, il a horreur qu’on l’estime par son emblème plus que par sa personne. Certes, c’est un honneur sans précédent pour lui, mais il reste un homme. Et ce jusqu’à ce qu’il prouve le contraire.

Malgré tout, Mistral est généralement mal vu et sujet à des préjugés. Bâtard de la famille Goneril, il est difficile de dire qu’il “existait” avant qu’on ne le découvre porteur d’un emblème, celui de la famille dont il est un bâtard. Parfois, il est hanté par la tragédie de Duscur. Simple soldat lorsque cette dernière est survenue, il a participé au massacre. D’abord par zèle patriotique, mais avec remords vers la fin. Des images qui le réveillent encore la nuit, lui retourne parfois l’estomac. Comment une telle chose a-t-elle été possible et acceptable ?

Pour ne rien arranger à son état, les revers subis par l’armée faerghusienne lors des offensives de l’Empire l’ont propulsée à un rang qu’il ne songeait pas à atteindre. S’efforçant d’agir au mieux, pour le Royaume, pour les hommes sous ses ordres, Mistral se met une pression énorme et ce n’est pas rare de le voir épuisé et cerné. Pourtant, même à bout, on le voit tenir la route, sourire lorsqu’on lui demande si tout va bien. Il ne veut pas inquiéter, mais c’est en cela qu’il inquiète plus qu’autre chose.