CARACTÈRE
diplomate • séduisante • éduquée • romantique • loyale • fière • experte en thé • fan de wyverne • menteuse • dramatique • naïve • opportuniste • superficielle • jugement facile • critique
HISTOIRE
Résumé : Lucrèce a une enfance heureuse, est fiancée depuis sa naissance mais peu importe. L’ambition de ses parents prend le dessus et ils décident de trouver le meilleur parti en multipliant les engagements auprès de différents prétendants avant de les rompre quand ils trouvent mieux ailleurs. Jusqu’à ce qu’un homme détestable les persuade de précipiter le mariage. Elle rencontre alors un autre homme qu’elle estimera être l’amour de sa vie dès le premier regard, sans le connaître. Il convainc l’homme détestable de renoncer à son engagement et de trouver une autre épouse. Plus aucun homme ne se présente, Lucrèce est envoyée à l’Académie pour augmenter sa valeur. Elle y coule des jours heureux en continuant de discuter par missives avec “l’amour de sa vie”. Peu de temps avant le début du règne de l’impératrice Edelgard, son père lui annonce qu’il a trouvé un fiancé et que leur rencontre scellera l’engagement, le mariage suivant dès la fin de la scolarité de Lucrèce. Elle décide alors de fuguer avec “l’amour de sa vie”. Sauf qu’en fait, il est la violente et prévoit de l'épouser pour son emblème parce que c'est plus facile et moins cher d'épouser une ado torturée par ses hormones que de négocier avec des nobles à emblèmes. Adriel, un camarade de classe, l’avait suivi parce qu’il était intrigué et à deux ils blessent le menteur qui prend la fuite. Les années de guerre passent, Adriel et Lucrèce combattent ensemble et deviennent des amis très proches. Adriel meurt sur le champ de bataille et Lucrèce s’en veut de ne pas s’être spécialisée dans le soin, ce qui lui aurait peut-être permis de le sauver. Elle repart de zéro et ne combat plus, elle dirige des unités de soin pendant et après les batailles et soigne.
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Une enfance délicate, de celle qui vous rappelle la chaleur agréable du soleil sur votre peau après un hiver bien trop long. Les picotements délicats sur votre chair, la sensation grisante de redécouvrir que le printemps est de retour. Je pense qu’on peut dire que l’enfance de Lucrèce lui a semblé être un printemps.
D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle avait toujours été fiancée à l’aîné de la maison Bergliez. Porteuse d’emblème née dans une branche mineure de la maison Hevring, elle était destinée - d’après les mots avec lesquels ses parents l’ont bercée - à accomplir de grandes choses. Et par grandes choses, ils voulaient dire mariage. À l’époque, elle ne comprenait nullement la teneur d’un tel engagement et elle s’y résignait donc d’autant plus que l’aîné était plus âgé, et les plus grands ont toujours eu un don pour fasciner les enfants. Comme si l’emblème qu’elle portait était une onction aussi familiale qu’elle était divine, la fillette passait de nombreuses heures auprès de la branche principale de la famille Hevring au cours desquelles elle avait l’occasion de côtoyer des enfants de son âge.
C’était sans compter l’ambition dévorante des parents de Lucrèce. Fatigués de n’occuper qu’un rôle de second rang auprès d’une noblesse primogène, ils partirent en quête de richesses et d’un réseau pour compenser le titre qu’ils n’auraient jamais. Quoi de mieux qu’un mariage pour s’attirer le soutien inconditionnel d’une autre famille avec laquelle ils seraient liés par le sang. Et quoi de mieux qu’une fille bénie d’un emblème pour appâter les prétendants. C’est ainsi que les promesses d’union de la famille Bergliez et Hevring furent rompues, brisées à jamais, et Lucrèce arrachée loin de ses repères. Mais elle était si jeune qu’elle ne protesta pas. Après tout, elle était une dame, et les dames obéissent sagement.
Les années passèrent, entre cours de broderie, d’entretien de domaine et de danse. Les saisons s’étaient enchaînées avec une lenteur à en faire pâlir l’éternité. Ses parents la gardaient comme un trésor caché à l’abri des regards et convoitises de prétendants indésirés. Les rares visites qu’elle recevait étaient celles des fiancés qui, tour à tour, la courtisaient avant que ses parents ne lui trouvent meilleur parti ou plus opportun selon leurs considérations du moment. Les fiançailles étaient instables et c’était ce qui protégeait Lucrèce du mariage.
Jusqu’à ce marchand de l’Alliance.
Il était l’homme le plus détestable que Lucrèce ait jamais rencontré, un type d’une vanité sans nom. Il n’avait de respect pour nul autre que lui-même. Dès leur première rencontre, il avait été du plus mauvais effet. Lucrèce n’était pas une femme, Lucrèce était un objet, un instrument pour parvenir à ses fins : augmenter les chances de procréer un héritier porteur d’emblème. C’est lors de cette rencontre que Lucrèce avait réalisé son statut : un objet. Elle aurait pu se révolter, elle aurait pu fuir. Elle n’en fit rien. Après tout, elle était une dame, et les dames ravalent leurs larmes pour sourire.
Lucrèce trouvait malgré tout du réconfort à l’idée que, comme tous les autres, ce fiancé ne durerait qu’un temps. Elle était persuadée que, comme à leur habitude, ses parents finiraient par se lasser de la quelconque entreprise qu’il menait rondement.
Elle avait tort.
Le marchand désirait voir les fiançailles se concrétiser au plus vite. Par ses beaux discours, ses plans finement manigancés, il parvint à convaincre les parents Hevring de sauter pas. L’accord était parfait : ils gagneraient la fortune et le réseau qu’ils espéraient tant. En échange, ils n’avaient qu’à céder leur fille si matériellement précieuse. Et le contrat fut signé, une date arrêtée, une vie qui se décide par une simple signature sur le papier. La seule consolation de Lucrèce fut qu’on l’autorisa à assister à un bal en grandes pompes organisé par une famille noble d’importance à Enbarr.
Pour l’occasion, elle se revêtit ses plus beaux atours, comptant bien profiter de sa dernière soirée mondaine en tant que femme célibataire. Elle voulait faire tourner la tête des garçons, jouer de son charme avant de ne plus pouvoir vivre. Car elle le savait, le jour où elle épouserait le marchand serait le jour où elle serait reléguée au rang d’objet. Le jour où elle n’aurait plus le droit de penser. Le jour où elle mourrait.
Alors elle enchaînait les verres, ce soir-là. Sa seule préoccupation était d’inhiber ses pensées, sa mauvaise conscience. Elle entendait presque la voix de sa mère, murmurant à son oreille qu’elle était une dame, et qu’une dame devait se modérer en tout circonstance. Lucrèce ne voulait plus être modérée, Lucrèce ne voulait plus être sage. Lucrèce voulait vivre, voulait apprendre tout ce qu’il y avait à savoir sur le monde, voulait connaître l’amour. Mais Lucrèce allait mourir dans quelques jours, quelques heures, moins d’une lune. Comment vivre tout ça lorsqu’on attend ? Comment vivre lorsqu’on se pose des limites ?
Je ne connaîtrai jamais l’amour.
Un verre.
Je n’ai jamais embrassé un garçon dans le secret des couloirs.
Un autre verre.
Je n’ai jamais voyagé.
Encore un verre.
Je meurs.
Un dernier vers.
L’esprit se déstructure au fil des verres, Lucrèce perd ses verbes.
Elle perd sa prose, sa gestuelle gracieuse et construite.
Elle navigue entre les tables du buffet, elle a
Bu bien plus
Que de raison.
Et ses pas trouvent le chemin de la terrasse, déserte si tôt dans la soirée. Elle regrette d’avoir tant bu, si vite. Ses pensées sont à peine inhibées, mais sa démarche est si disgracieuse que pas un homme ne voudrait danser avec elle. Tout était fini, sa vie aussi. Son regard brumeux se posa sur le rebord du balcon et elle s’en approcha. Le vide l’attirait, le vide l’appelait. Elle escalada la rambarde qui la séparait de son amour enfin trouvé. Au moindre coup de vent, au moindre déséquilibre, c’était la chute.
“Attendez !” s’écria une voix dans son dos. Un jeune homme la saisit comme si elle avait été aussi légère qu’une plume. Surprise, elle laissa échapper un petit cri avant de croiser le regard de son sauveur. Elle en avait le souffle coupé. Des yeux bleus à se noyer dedans, un visage d’une beauté renversante. C’est à cet instant qu’elle sut qu’elle avait trouvé l’amour. Ou du moins s’en était-elle persuadée. Durant toute la soirée, les deux jeunes gens discutèrent à l’abri sur la terrasse. Il la faisait rire comme jamais elle n’avait ri. Il la faisait vivre comme jamais elle n’avait vécu. Et lors d’un instant d’inattention, Lucrèce avait avoué ce qu’elle pensait.
“S’il vous plait, épousez-moi.”Lucrèce ne se rappelle pas être rentrée chez elle après les festivités. Elle garde tout de même un clair souvenir de son réveil et de l’annonce, par sa mère, des ruptures des fiançailles. En effet, le marchand s’était mystérieusement rétracté, lui préférant une autre demoiselle porteuse d’emblème. La jeune fille ne l’apprendrait que plus tard : le bel inconnu était responsable de ce miracle.
Les mois sont passés sans nouveau prétendant. A croire que les multiples rétractations avaient fini par forger une réputation néfaste aux parents de Lucrèce. Afin de la rendre plus attractive au mariage, ils payèrent sa scolarité à l’Académie des Officiers où elle passa un an avant que la guerre ne se déclare. Ce fut la plus belle année de sa vie, où elle redécouvrit ses amis d’enfance et en rencontra de nouveaux. Elle apprit à se battre, développa une passion pour le maniement de la hache et des wyvernes. Elle y apprit à être libre, et elle profita de ses atouts pour faire chavirer le coeur de tous les garçons à sa portée. Elle aimait cette sensation de pouvoir sur leur esprit, accessible par de simples paroles doucereuses à leur oreille. Des mensonges, sans aucun doute, mais comme cela faisait du bien de ne pas être sage !
C’est aussi cette année-là qu’elle prit la décision qu’elle finirait par regretter tout au long de son existence : renoncer à se spécialiser dans la foi, quand bien même c’était là que résidaient ses talents. Mais Lucrèce est têtue, son esprit de contradiction dépasse sa raison. Si son emblème, source de toutes ses peines, lui conférait un quelconque talent, elle avait tout fait pour l’oublier.
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Lucrèce avait reçu deux missives, ce jour-là. L’une provenait de ses parents, tandis que l’autre avait été envoyée par l’inconnu, l’amoureux du bal. Ils avaient entretenu une correspondance soutenue depuis leur première rencontre, bien qu’ils ne se furent jamais revus. Elle avait commencé par parcourir les lignes de celui qu’elle considérait comme l’amour de sa vie, souriant tout au long de la lecture, réchauffée par ses mots doux et ses inquiétudes chaleureuses. Avant de se saisir d’une plume pour lui répondre comme elle en avait l’habitude, elle brisa le sceau qui marquait celle de ses parents et entreprit de déchiffrer les quelques lignes qui y était inscrite.
Chère Lucrèce,
Je souhaite porter à votre attention les négociations que j’ai mené brillamment avec le Comte von Hazrin. Il m’a demandé votre main et je la lui ai accordée. La fortune de cet homme saura vous satisfaire, j’en suis persuadé.
J’ai informé le Monastère de la situation et ils m’ont communiqué leur acceptation concernant votre absence - quelques jours à peine - qui vous permettront de rencontrer votre futur époux.
Préparez-vous à quitter l’Académie le 17ème jour de cette Lune, j’enverrai une escorte et un chaperon au Monastère pour vous accompagner jusqu’au manoir de votre fiancé.
Bien à vous,
Henri von Hevring.Horrifiée par cette nouvelle, Lucrèce se rua sur sa plume mais resta figée lorsqu’il fallut écrire à son amour. Que dire ? Que faire ? Elle était impuissante, démunie. Cela faisait des mois que la perspective de nouvelles fiançailles lui avait parue lointaine, désuète. Et voilà que son père avait en réalité tout manigancé. En désespoir de cause, elle expliqua la situation à son prétendant. En guise de conclusion à la nouvelle, elle écrivit simplement :
Je vous en prie, emmenez-moi loin d’ici avant le dix-septième jour de cette lune. Si vous tardez trop, je serai perdue. _____________________________________________________________________
Le dix-septième jour était finalement venu. Lucrèce était prête à partir dans le secret de la nuit. Elle avait tout préparé pour sa fugue depuis ce qui lui semblait être des lustres. Elle se réjouissait autant qu’elle appréhendait son départ. Qu’allait-il se passer ? Mais au diable les conséquences, Lucrèce n’avait pas envie de se marier avec un inconnu. Pourtant, elle se jetait dans les bras d’un homme qu’elle n’avait vu qu’une fois.
L’obscurité de la nuit la protégeait des regards. Elle avait fourré quelques affaires essentielles dans son sac ; elle regrettait, elle aurait été moins chargée sans lui.
Etrangement, malgré l’illicéité de son comportement, elle se sentait sereine, elle était persuadée au fond d’elle d’agir comme elle le devait, de ne pas avoir le choix. Et puis personne ne saurait jamais ce qu’il s’était passé. C’était sans compter les yeux épieurs au détour du couloir. Il s’agissait d’Adriel, un camarade de classe curieux de savoir où les pas de Lucrèce la mènerait.
Ils eurent une chance inouïe, parvenant à se faufiler entre les gardes sans être aperçus. Une fois passées les portes de l’Académie, Lucrèce se dirigea vers une forêt voisine où lui avait donné rendez-vous son prétendant. Elle tremblait d'excitation, à l'idée de le retrouver après si longtemps. Du haut de ses seize ans, elle pensait ne jamais être capable d'aimer quelqu'un autant qu'elle l'aimait lui.
Au détour d'un chemin dissimulé par les arbres, elle aperçut sa silhouette se détacher de l'obscurité. Un large sourire étira son visage tandis qu'elle sentait les papillons battre des ailes au creux de son ventre. Elle se rendait enfin compte qu'elle n'avait jamais rien fait de plus fou que cette fugue et ce sentiment la grisait bien plus que les doux rayons de soleil du printemps de son enfance.
La chute fut particulièrement rude, lorsqu'elle réalisa que ses rêves n'étaient que des rêves. Lucrèce garde un souvenir confus de cette nuit, où elle a tant pleuré. L'inconnu de ses rêves n'était pas si beau, pas si charmant. C'était un joueur, un homme complexé par son manque de puissance. En réalisant l'amour de Lucrèce, il s'était amusé à entretenir une relation épistolaire frivole. Après tout, l'envoi de quelques plus hebdomadaires ne relevait pas de l'effort divin. Et lorsqu'elle avait énoncé son intention de fuir dans le plus grand des secrets, il y avait vu l'aubaine de sa vie. Quoi de mieux qu'une fille si précieuse qui se jette dans ses bras ? Mais de l'amour ? Du respect ? Non, il n'en éprouvait pas. Il l'avait violentée quand elle s'attendait à un baiser et elle était restée bouche bée. Elle s'était laissée faire, trop surprise pour esquisser le moindre geste de défense. C'est le moment qu'Adriel choisit pour intervenir avant de la raccompagner dans sa chambre, dans le silence le plus complet. Les reproches, les critiques, attendraient les premiers rayons de l'aube.
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« Tu ne comprends pas, Adriel. Il m'a menti. Pendant un an, il m'a fait croire qu'il m'aimait. Je pensais que c'était ça, l'amour. Je pensais que ça, existait, l'amour. Je me faisais des illusions, il semblerait. Mais si l'amour, ça n'existe pas, il me reste quoi ? Rien. Il ne me reste rien. Et c'est ça le problème, tu comprends ? Je n'ai pas de rêve, pas d'ambition. À la première occasion, mes parents vont me marier. Je pars aujourd'hui, tu sais. Et je ne peux pas dire non, même si je le voulais. Comment dire à mes parents, qui m'ont élevée pour ça, que je refuse ? Et refuser pour quoi ? Pour rien. Pour une lubie adolescente, pour un cœur brisé par ma propre idiotie. Je comptais sur lui pour régler tous mes problèmes. Je comptais sur lui pour faire battre mon cœur, pour me faire vivre. Et maintenant, il est partie. En fait, il n'a jamais été là. Et moi, je suis là, comme une idiote, à verser mes larmes pour un rêve. Un rêve qui devait me réparer, me faire me sentir entière. Mais sans lui, je serai toujours brisée. Toujours. C'est sans espoir, je suis résignée. »Adriel poussa un soupir exaspéré. Il passa une main dans ses cheveux, à la recherche d'une patience qui n'existait pas. Puis il abandonna pour s'exprimer sans contrainte. Tant pis, si ses mots la vexaient.
« Tu es vraiment idiote, ma parole. Tu crois vraiment qu'un genre de Prince va arriver, magiquement, pour te sauver des problèmes que tu ne veux pas regarder en face ? Tu crois vraiment que quelqu'un peut te réparer ? Te faire sentir entière ? Ça n'existe pas, ça, Lucrèce. C'est dans tes rêves, et ça ne devrait même pas y être. Tu sais qui pourra te réparer ? Tu sais ? Et bien moi, je sais. Personne. Personne à part toi-même. Et si tu ne comprends pas ça, autant que tu ailles te marier avec ce fiancé dont tu me parles. Parce qu'entre lui ou un autre, ça ne fera pas une grande différence. Si tu ne comprends pas ça, prépare toi à être malheureuse et misérable toute ta vie. Et je ne m'épuiserai pas à essayer de te faire entendre raison. Au revoir Lucrèce. »Il tourna les talons et regagna la salle de classe, la laissant à ses larmes inutiles. Pourtant, son discours eu de l'effet. L'après midi même, elle tint tête à l'escouade envoyée par son père pour l'escorter. Elle refusa le mariage, préférant faire primer sa scolarité. Elle écrivit sa dernière lettre à ses parents avant de couper tout contact jusqu'à ce qu'ils renoncent à donner sa vie en échange de faveurs. Elle abandonna le soin et se consacra à l'apprentissage du vol et du maniement de la hache, ses principaux centres d'intérêt.
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Dès le commencement de la guerre, elle se mit corps et âme au service de l’Empire. Sa témérité lui imposait de souvent combattre, hache à la main, près des premières lignes malgré son rang. En dehors des combats, elle était une demoiselle raffinée. Pendant, elle laissait tous les masques tomber. Lucrèce étant jeune et fraîchement diplômée de l’académie des officiers, elle s'engagea dans l'armée. Grâce à son diplôme, elle fut affectée à la tête d'un petit groupe de combattants en coopération avec l’un de ses anciens camarades de classe qui deviendrait son meilleur ami : Adriel. Ils combattaient ensemble sur le front Faerghusien.
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Un cri de douleur déchira sa poitrine lorsque ses yeux se posèrent sur lui. De ceux qui glacent le sang des soldats qui pleurent leurs morts après une bataille virulente. Elle tomba à genoux devant lui, devant son corps qui reposait sur la plaine. Elle aurait voulu se persuader qu’il dormait, qu’il se réveillerait dans quelques heures et qu’ils plaisanteraient sur cet évènement, sur les fausses peurs de Lucrèce. Elle aurait sans doute réussi si la mort d’Adriel n’avait pas été si violente. Ses yeux étaient ouverts, son visage figé dans une expression de douleur et de surprise. Les muscles de son corps paraissaient encore tendus par l’adrénaline de la bataille. Pour lui, elle avait pris fin bien avant l’issue des affrontements. Lucrèce cherchait désespérément la vie dans ses yeux, sans la trouver. La Déesse avait recueilli son âme depuis fort longtemps.
"Non," objecta-t-elle.
"Non", elle répéta.
"Non, non, non !" Précipitamment, elle retourna sa besace et en laissa tomber le contenu. D’une main tremblante, elle saisit son tome de Foi qu’elle laissa chuter sur le sol, faute de stabilité. Elle voulait réciter ses prières à la Très-Haute, l’implorant de guérir les blessures du garçon. Constatant l’absence d’effet de ses paroles, elle déposa ses mains délicates sur les plaies du soldat et pria de plus belle malgré les chaudes larmes qui roulaient sur ses joues. Elle aurait voulu lui parler, le convaincre de se réveiller, mais elle n’avait pas le temps. Il fallait qu’elle psalmodie les mots rituels, qu’elle se concentre sur l’énergie qu’elle diffusait grâce au livre.
Elle demeura près de lui jusqu’à ce que des mains inconnues se posent sur ses épaules dans un geste tendre. Elle n’avait que faire de la tendresse, de la chaleur. Elle voulait se murer dans un cocon glacial, mortuaire. Comme lui. Néanmoins elle reposa ses mains sanglantes sur ses genoux, dans une résignation déchirante.
"C’est votre faute. Vous m’avez interrompue. Si j’avais pu rester concentrée, j'aurais eu une chance de le sauver." Elle murmurait d’une voix quasiment inaudible.
"Vous comprenez ? Si j’avais eu le temps, j'aurais pu le sauver." Son ton était ferme, désormais. "Tout est de votre faute." Elle avait délaissé toute mesure, elle hurlait.
"Vous n’êtes qu’un monstre, c’est VOUS qui auriez dû périr à sa place ! Ramenez-le moi !" La voix de Lucrèce était brisée de sanglots, ses yeux horrifiés figés sur l’expression inanimée du garçon.
"Je vous déteste. Je vous déteste vous ! Les soldats, Faerghus, la Déesse… Tout le monde ! Je vous déteste tous ! Vous l’avez laissé mourir, tous autant que vous êtes. Vous l’avez abandonné." Tous ces mots vides de sens, pour couvrir le son brûlant de ses pensées. C’est toi qu’il a abandonnée. C’est toi qui l'as abandonné.
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Peu après ces terribles évènements, Lucrèce quitta le front pour parfaire sa formation de foi. C'était décidé, elle ne laisserait plus personne mourir. Elle était désormais à la tête, et faisait partie, d'un groupe de soigneurs au sein de l'armée adrestienne et aidait à sauver des vies sur le front, là où elle en prenait avant. C'est avec soulagement qu'elle apprit l'existence de l'accord de non-agression, mais avec néanmoins une pointe d'appréhension concernant les épreuves à venir. Malgré tout, elle espérait au plus profond d'elle-même que la guerre ne reprendrait pas et que les autres royaumes se soumettraient, enfin, et pacifiquement, à l'Empire.